Il y a beaucoup de trafic et pas forcément de
drogue entre la Martinique et sa voisine. Il ne s’agit pas de grand banditisme
mais plutôt ce que certains appelleraient de la légitime défense contre la
taxation abusive. Il y a quelques années, une grève générale a secoué la
Martinique au point qu’il n'y avait plus d’essence dans les stations. On a
alors vu pas mal de livraisons de carburant au Marin à la tombée de la nuit au
point que la station de Rodney Bay a fini par refuser de servir les bateaux
français pour protéger ses réserves. Une fois, Alex est allé à Castries, la
capitale, pour acheter un moteur hors-bord. La différence de prix était
significative.
Le Sirius ne se livrant à aucune activité illicite, Alex ne
s’inquiète finalement pas trop à cause du Danseuse mais plutôt des deux
autres bateaux. Il fait rouler le génois et prendre un ris dans la grand-voile.
Habitué à courir partout, lui d’un côté, Nina de l’autre, il apprécie
aujourd’hui d’avoir un équipage comme celui-ci. Même si Murielle n'a pas
beaucoup navigué sur des voiliers à part quelques sorties sur les bateaux des
amis de son père à La Rochelle, elle a passé ses permis côtier et hauturier
à la douane. Elle est parfaitement à l’aise sur un bateau. Dom et Béa ont
une solide expérience de la mer. Après avoir écumé les eaux de Bretagne et
assassiné un nombre incalculable de poissons, ils ont traversé l’Atlantique
puis pendant plusieurs années, ont sillonné l’arc antillais du nord au sud.
Ils connaissent parfaitement la zone. Patrick a beaucoup navigué surtout en
Méditerranée qu’il connaît comme sa poche et jusqu’à la Réunion. Il
devient intarissable dès qu’on le branche sur la Corse, la Sardaigne ou les
îles grecques. De plus c’est une force de la nature. Alex peut donc s'en
remettre à son équipage.
Le bateau navigue maintenant sous trinquette et
grand-voile à un ris. La vitesse tombe à trois nœuds. Dans l’heure qui
suit, Alex va observer le comportement des trois bateaux et quand la nuit sera
tombée, il va « oublier » d’allumer les feux de route. En l’absence de
réflecteur radar dans le gréement, il est bien évident que si les suiveurs
restent à distance constante, c’est qu’ils suivent le Sirius en recevant sa
position AIS. Pas besoin d’installation sophistiquée pour cela, la présence
d’une radio VHF est obligatoire sur tous les bateaux navigant au large et bon
nombre des appareils actuels intègrent un récepteur AIS qui permet
d’afficher sur un petit écran la position relative des bateaux équipés
d’un transpondeur aux alentours puis de les faire défiler pour voir leurs
détails.
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