Chapitre
11
Dom, Béa, Alex, Murielle et
Nina discutent dans le cockpit. Plus personne n’ose demander à Murielle de
raconter des histoires de douaniers de peur qu’elle n’en commence encore une
qui se termine par la mort d’une dizaine de personnes. Murielle, justement,
demande à Alex comment il en est arrivé à faire du bateau en étant né à
Lyon.
— Oh ma pauvre, t’es pas couchée, lance Nina, il est intarissable
avec ça. On va avoir droit à son couplet sur l’école de voile où il a fait
ses débuts.
— Si, va s’y, ça m’intéresse. J’adore les histoires
de passions.
Lyon est une ville rarement atteinte par la houle océane et
les embruns. Alex a découvert la voile dans une colonie de vacances en
Bretagne. Ayant tout de suite compris que c’était son élément, ses parents
ont bien voulu l’inscrire à une école de voile bien connue et qui au moins
à Lyon, faisait figure de référence. Il y fit carrière, du stage de
débutant au prestigieux niveau de « chef de bord ». Il a de nombreuses
histoires à raconter sur cette période pas toujours à son honneur ni à celui
de la si bien cotée école de voile et il ne s’en prive pas. Par exemple,
dans cette noble institution, les moteurs étaient proscrits. Sur les
Mousquetaires, les Dogres, l’Arche, le Fou de Bassan, la Sereine… on ne
jurait que par la godille, extraordinaire moyen de propulsion basé sur
l’usage du biais pour avancer droit à condition d’être fort, pas pressé
et qu’il n’y ait ni courant ni vent, conditions rarement réunies en
Bretagne. De même pour les instruments de navigation, on prétendait qu’il
était possible de naviguer en Bretagne avec une ficelle et une carte. En
théorie, il suffit d’utiliser les alignements de cailloux, de pointes, les
phares, balises, piquets et tous ces amers qui ornent les côtes de cette
magnifique région. Il faut trouver deux ou trois alignements et les reporter
sur la carte. Le problème est qu’avant de les avoir formellement identifiés,
on a parfois déjà traversé la carte. Alex a le souvenir d’une navigation
où il fallait éviter un écueil nommé « Les Trois Vieilles » ou un nom de
ce genre que seuls les bretons peuvent donner à des cailloux, car d’après
les calculs de hauteur d’eau, la quille ne passait pas. Lorsqu'après moult
discussions du style :
— Tu ne crois pas que la pointe de « La Veuve
Éplorée » c’est plutôt celle-là ?
— Mais non. Regarde, il n’y a
pas le piquet dessus comme sur la carte. Et la voiture du boulanger, elle
n’est pas sur la carte ?
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