En fin de matinée, le vent commence
effectivement à tourner. Alex demande à Nina de venir l’aider à sortir le
grand génois rangé bien plié sous une couchette dans la cabine bâbord. Sur
le Sirius il n’y a pas de spi. D’une part il y a rarement suffisamment de
monde à bord pour en manœuvrer un, d’autre part Alex ne les a jamais bien
aimés car ils lui rappellent trop de mauvais souvenirs de bateaux couchés sur
l’eau alors qu’il fait un temps splendide ou de voiles entortillées autour
des étais qu’il faut achever pour les descendre… Par contre, il y a un
génois léger, enfin de nom, car s’il est solide comme tout le reste sur ce
bateau, il n’est pas si léger que cela. Il faut donc deux personnes pour
amener un joli sac rose sur le pont avant. Lorsque Alex et Nina sont seuls à
bord, ils sortent rarement cette voile. Elle se hisse sur un étai largable
tendu juste en arrière de l’enrouleur. Un grand tangon est toujours à poste
le long du mat. Alex décroche l’étai du pied de mat, l’amène à la
ferrure d’étrave et le tend. Dom endraille la voile à l’aide des
mousquetons dont elle est pourvue sur toute sa longueur. L’écoute est
installée et passe par l’embout du tangon, une poulie fixée à l’extrême
arrière du pont et revient par une autre poulie sur un des gros winchs du
cockpit où Béa la tient après lui avoir fait faire juste deux tours pour
pouvoir la laisser filer à la demande. Patrick est déjà installé au winch de
drisse. Alex demande à Murielle qui est à la barre de dévier de quinze
degrés sur tribord. On sent bien qu’il se passe quelque chose au niveau du
vent. Et on envoie tout. Pendant que Patrick hisse la voile à une vitesse
qu’elle n’a jamais connue, Alex descend le pied du tangon pour éloigner le
point d’écoute que Béa retient juste ce qu’il faut pour qu’il ne parte
pas vers l’avant contre l’étai. Le génois se gonfle en faisant un gros
flop. Il faut maintenant prendre trois ris dans la grand-voile pour qu’elle ne
dévente pas l’autre génois mais récupère le vent qui passerait dessous
puis affaler la trinquette qui ne sert à rien à cette allure. Alex et Patrick
installent alors des retenues sur le tangon et la bôme pour tout bloquer, le
hale-bas est raidi. Murielle reprend alors son cap. Et voilà cent cinquante
mètres carrés de toile qui vont propulser le Sirius vers La Blanquilla et si
le vent tient, demain l’équipage prendra l’apéritif à House Anchorage.
Alex est content, il vient d’assister à une belle manœuvre. Il est satisfait
de son équipage qui s’en rend bien compte.
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