— Donc c’est un troisième avion, dit Alex
en réfléchissant tout haut. On a un Cesna 182 qui transportait l’or, un
avion inconnu sans doute assez gros avec trois mètres dix entre les roues et un
Beechcraft G58 qui est encore là.
Patrick vient s’asseoir au carré en
face de lui.
— Ne penses-tu pas que cette île puisse être utilisée
régulièrement pour des trafics divers ? dit-il. Si on regarde bien sa
position, c’est l’île la plus septentrionale du Venezuela et la plus à
l’est du groupe des îles du nord. Elle peut très bien être une porte de
sortie pour beaucoup de marchandises illicites.
— Donc ces deux avions
n’auraient rien à voir avec notre affaire ? demande Alex.
—
Probablement pas. Après tout, si nos vénézuéliens avaient prévu de sortir
l’or de cette manière, d’autres peuvent bien utiliser la même méthode
pour différentes choses. Surtout que la Colombie n’est qu’à mille
kilomètres, donc à portée d’un petit bimoteur pouvant se poser ici.
Regarde, le Beechcraft G58 pourrait même faire l’aller-retour avec la
Colombie sans ravitailler.
— Le scénario serait le suivant, reprend
Patrick après quelques secondes de réflexion. À la date du rendez-vous, un
cargo attend au large à une vingtaine de miles de l’île et donc en dehors
des eaux territoriales où personne n’ira jamais l’embêter. Un bateau de
pêche quitte Margarita et se tient près de l’île en faisant semblant de
pêcher, comme celui que tu as vu ce matin au radar. Quand l’avion arrive, le
bateau approche et se rend dans la petite anse juste à côté de la base
militaire. On ne s’est pas beaucoup intéressé à cette crique mais il doit y
avoir la possibilité d’y amarrer un bateau à faible tirant d’eau et de
débarquer à pieds secs. On transfère la cargaison de l’avion dans le bateau
qui part immédiatement vers le cargo au large. L’avion peut s’en aller,
soit directement d’où il est venu, soit vers un point de ravitaillement
puisqu’il ne transporte plus rien d’illicite. Une fois sa cargaison livrée,
le bateau de pêche rentre tranquillement chez lui sans problème puisqu’il ne
transporte rien de prohibé lui non plus. Éventuellement pour faire plus vrai
il fera une pêche pendant le retour. De cette façon il serait possible
d’exporter des centaines de kilos de drogue vers l’Europe ou même plus
loin. La seule différence entre cette opération que je viens d’imaginer et
celle de la caisse d’or c’est que là on transfère directement la cargaison
de l’avion au bateau alors que d’après la chronologie, la caisse d’or est
restée cachée environ deux semaines dans l’île. Peut-être l’opération
ne pouvait pas être planifiée avec autant de précision car il n’était pas
possible de savoir exactement quand devait se produire l’expédition de l’or
de Guyane. Il y a donc eu une certaine improvisation et un délai pour avoir un
cargo ou autre type de bateau disponible.
— En fait, complète Alex, cette
île est située à une position intéressante pour l’exportation clandestine
vers l’Europe ou même plus loin à partir du Venezuela, de la Colombie, de la
Guyane, du Suriname et même du nord du Brésil. On se trouve peut-être au
centre d’une plaque tournante de trafic, armés de nos seuls sourires.
Dom
est descendu dans le bateau ainsi que Béa. Murielle passe la tête par la
descente.
— Alors qu’est-ce qu’on fait ? dit-elle en surprenant tout
le monde, on continue la baignade ou on va la chercher cette
caisse ?
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