— La journée n’est pas finie, il faut
mettre une deuxième ancre.
— Bon, allons-y. On commence par où ?
demande Patrick toujours partant.
Le mouillage numéro deux est au fond du
poste avant. Il suffit, en temps normal, d’ouvrir les couvercles des deux
coffres, de sortir l’ancre par le capot avant et de la poser sur le pont puis
de sortir la chaîne par l’écubier du deuxième guindeau. Ensuite on la passe
par la partie gauche de la ferrure d’étrave. On la fait revenir par-dessus le
balcon et on l’assujettit à l’ancre avec une grosse manille. On la bascule
alors par-dessus le balcon en la retenant à l’aide d’un bout attaché à
cet effet. L’opération ne prend normalement pas plus de cinq minutes et le
mouillage est prêt à être descendu à l’aide du frein du deuxième
guindeau, une fois l’étrave amenée à l’endroit voulu. Le problème est
l’empilage de matériel sur le coffre où il est rangé. Alex hésite un
moment entre déménager le poste avant ou sortir le troisième mouillage
stocké dans les fonds sous le carré plus accessible mais beaucoup plus
difficile à sortir.
Nina qui a l’esprit pratique et à qui un coup de
ménage ne fait pas peur, décide :
— On va faire une chaîne pour
déplacer tout ce qui se trouve au-dessus des coffres du poste avant dans les
cabines arrière puis idem dans l’autre sens.
— Et on va faire ça
combien de fois ? demande Patrick.
— Deux fois ce soir et deux fois
demain.
— Et si on pouvait faire ça avant qu’il fasse nuit… précise
Alex.
Ensemble, ils s’y mettent immédiatement malgré la fatigue et le
contenu du poste avant se promène dans le bateau en direction d’une cabine
arrière puis de l’autre.
Une fois le matériel accessible,
l’installation est faite et la deuxième ancre pend maintenant à l’étrave.
Alex redémarre le moteur. Cette ancre doit être posée dans un axe de dix
degrés à gauche de la première à une distance du double de la longueur du
mouillage principal. Nina qui connaît cela parfaitement pour l’avoir souvent
pratiqué, a mis des gants et elle guide Alex comme elle a l’habitude de le
faire, cette fois à l’aide du manche du guindeau. Béa qui a encore mal au
tibia, reste à distance. Quand elle lui fait signe, il arrête d’avancer,
enclenche la marche arrière et Nina desserre le frein du guindeau en dosant la
descente pour bien étaler la chaîne sur le fond. Ce mouillage est constitué
de vingt-cinq mètres de chaîne et de cinquante mètres d’aussière reliées
par une épissure cordage sur chaîne, joli travail de matelotage. Une fois
toute la chaîne passée, Nina peut prendre l’aussière à la main,
l’enrouler autour de la poupée du guindeau puis la laisser filer en freinant
suffisamment et en bloquant même par moment la descente pour que l’ancre se
plante bien dans le fond. Une fois que le bateau a retrouvé sa place et qu’il
est à nouveau tenu par son ancre principale, le second mouillage est réglé
juste pour pouvoir retenir le bateau si l’autre chasse. Patrick applaudit.
Comme tout l’équipage, il est admiratif de la qualité de la manœuvre. On
dirait parfois que Alex, Nina et leur bateau baignent dans de l’huile. Alex
pense : « Ça dépend des jours ». Mais ce jour-là ça a baigné, il ne
veut pas gâcher ses cartes et ne dit rien.
Il n’y a plus qu’à remettre
le contenu des cabines arrière dans le poste avant. À cet instant, certains se
disent qu’ils iraient bien y dormir. Dom qui montre un courage extraordinaire
dès qu’il s’agit de manger, arrive à les restaurer à l’aide de
conserves bien venues qu’il arrange à sa manière. Puis Murielle demande
enfin :
— Est-ce que je peux aller dormir pendant une semaine ?
—
Allez vous coucher, je surveille, répond Patrick qui fait son Rambo.
Il est
parfois un peu agaçant…
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