Alex, après avoir manipulé sa molette et
cliqué dans tous les sens sur l’écran de l’ordinateur, sort sa
calculatrice scientifique dont il ne s’éloigne que rarement et dévoile ses
conclusions :
— D’abord félicitations pour ta mémoire visuelle, les
douaniers vont avoir du mal à te remplacer. Ensuite je peux te dire d’après
mes calculs, qu’entre le moment où tu as perdu connaissance et le moment où
ton commandant a mémorisé la position, il s’est passé exactement une
demi-heure. On peut comprendre que vu ce qui venait de se passer et peut-être
aussi du fait que tu venais de t’effondrer sur le plancher de sa timonerie, il
n’a pas pensé immédiatement à mémoriser la position. Pendant ce temps
toute la scène a dérivé plein ouest de zéro virgule quinze mile en raison
des trois dixièmes de nœud du courant des Caraïbes à cet endroit portant à
l’ouest entre les îles. La position réelle est donc N 11°49,101' W
064°26,035'.
Dom dit :
— Et bien, chapeau ! Belle
démonstration.
Ce à quoi Alex répond :
— N’oublie pas que j’ai
appris à naviguer avec des alignements et une ficelle. Dans ce cas il s’agit
même d’un alignement breton c’est-à-dire quand tu as un point devant toi
et l’autre derrière. Tu dois connaître ça en tant que briochin. Reste à
vérifier tout ça.
— Et là, tu vois, dit Nina, il est content de
lui.
— Rien n’est absolument certain. Premièrement l’alignement sur
lequel j’estime être la position, part d’un point situé à deux cents
mètres à l’est de l’îlot Orquilla. C’est une distance estimée par
Murielle. C’est difficile à mesurer comme ça. Ensuite, elle dit que le
bateau faisait route sur le tombant du petit îlot. Mais d’après son récit,
à ce moment-là, elle était à l’extrême droite de la timonerie. Si elle
voyait l’étrave sur le tombant du petit îlot, il y a forcément une erreur
de parallaxe qu’il serait possible de calculer ou au moins
d’estimer.
— Non ça c’est quand je regardais derrière, intervient
Murielle. Quand on a viré et que ça a commencé à chauffer, je me rappelle
bien m’être rapprochée du centre de la timonerie.
— C’est pas mignon
ça ? plaisante Dom. Quand ça commence à chauffer, elle se rapproche de son
commandant.
— Tu veux que je te dise, t’es même pas drôle.
— Si
quand même un peu.
— Trêve de plaisanterie, reprend Alex qui semble
aussi trouver ça amusant et se retient difficilement de le montrer. Ça a au
moins l’avantage de réduire l’erreur à ce niveau. La seule incertitude,
c’est la distance précise entre le bateau et la côte est de l’îlot
Orquilla. Tu confirmes deux cents mètres ? Essaie de te rappeler et de
comparer à la longueur du bateau.
— À mon avis c’est juste, oui, je
peux le dire.
— Elle peut le dire, c’est formidable, on l’applaudit,
rajoute Dom décidément très en forme.
— Tu ne serais pas descendu trop
profond Dom ? On dirait que tu as l’ivresse des profondeurs.
— Donc ça
nous place à peu près en longitude, reprend Alex qui essaye de rester
sérieux. Par contre en latitude il reste une incertitude sur le moment où le
commandant a mémorisé la position. À ce moment-là, Murielle n’était plus
là.
— Tu ne dis rien Dom ? l’interrompt Murielle.
— Non
Non.
— Ah bon. Pardon Alex,
continue.
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