C’est une journée magnifique. Chacun prend
ses marques à bord. La cabine tribord est celle de Dom et Béa. Nina et Alex
occupent celle de bâbord car de la couchette on peut voir l’écran de
l’ordinateur et le radar. Patrick se voit attribuer la banquette tribord du
carré en raison de sa grande taille et Murielle, celle de bâbord qui avec sa
toile anti-roulis assez haute la transforme en cabine de sous-marinier et
l'isole à peu près. Cependant la notion d’attribution des couchettes est
souple car il ne s’agit pas d’une croisière récréative et il est prévu
qu’il y ait toujours au moins deux personnes sur le pont à chaque instant du
jour ou de la nuit. Et si Patrick ou Murielle veulent se reposer en journée,
ils peuvent s’installer chacun dans une cabine. De même il est souvent plus
simple pour se reposer, de faire un petit somme dans le carré plutôt que dans
une cabine. C’est ce que l’on appelle la couchette chaude ce qui sous les
tropiques est un euphémisme. La notion de jour ou de nuit doit disparaître. Le
bateau est opérationnel vingt-quatre heures sur vingt-quatre. On ne mange pas
à heure fixe mais au rythme des quarts de jour comme de nuit. L’essentiel est
que l’équipage soit toujours disponible et de bonne humeur. Un système de
quart de quatre heures à deux personnes sera utilisé la nuit. Il n’est pas
rigide comme celui qu’aurait pu connaître Murielle si elle était restée
avec ses amis douaniers. Au contraire, il est basé sur le volontariat de celui
ou celle qui se sent le plus disponible à un moment donné. La nuit, certains
équipiers préfèrent faire toujours le même quart, d’autres choisissent de
tourner. En cas de flottement dû par exemple à un début de fatigue de
l’équipage, Alex devra alors réorganiser des quarts d’une manière
adaptée à la situation en gardant bien à l’esprit de toujours anticiper
pour éviter une fatigue générale de l’équipage. Sur un bateau la
particularité du skipper est d’être de quart pendant son temps de veille
puis de quart pendant son temps de repos. Paradoxalement on appelle cela être
hors quart. Alex n’a pas souvent navigué sur son bateau avec un équipage
complet mais chaque fois que cela s’est produit, il a appliqué cette
souplesse avec succès contrairement à ce qu’il a pu voir sur des bateaux où
un équipier lutte contre le sommeil dans le cockpit alors qu’un autre dans sa
couchette n’a pas sommeil. Quant à Nina, elle veille. De jour, de nuit,
éveillée, endormie, elle surveille. C’est un phénomène de la nature pour
la surveillance. Nina respire en silence sans doute pour que le bruit de sa
respiration ne nuise pas à sa vigilance.
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