Lorsqu’il s’agit d’amarrer le bateau à
une bouée de corps mort, celle-ci disparaît de la vue du barreur bien avant
qu’elle ne soit accessible, aussi pour ce type de manœuvre c’est un autre
ballet qui s’exécute, on voit la gaffe de Nina tendue vers l’avant, en haut
en bas, à droite à gauche, à la façon d’un sémaphore. Et sans que l’on
puisse dire précisément la définition de chacun des signes, il sait où est
la bouée et en général est en mesure d’amener l’étrave à sa verticale.
Lorsqu'elle se penche sur le balcon avant pour attraper soit l’anneau de la
bouée, soit un bout permettant de s’y amarrer, il sait qu’il a réussi
sinon il a droit à un regard explicite de Nina l’informant clairement qu’il
s’est raté, qu’il doit recommencer et qu’il n’a pas intérêt à se
rater une deuxième fois. Il réussit sa manœuvre du premier coup. Il la voit
attraper le bout d’amarrage et comme à son habitude à ce moment-là, elle
jette la gaffe sur le pont derrière elle sans avoir remarqué Béa qui venait
justement pour l’aider et lui donne un grand coup de gaffe dans les tibias.
Alex avait oublié d’avertir que quand Nina opère sur le pont avant, il ne
faut pas passer derrière. Elle est confuse et Béa en sera quitte pour un bel
hématome. Heureusement elle s’y connaît en pommade et a ce qu’il faut.
Alex lui demande si un hématome n’est pas une contre-indication pour plonger.
Comme toute réponse, Béa rigole en hochant la tête. Tant bien que mal
l’équipe est à pied d’œuvre. L’équipage se désaltère un peu. On
discute surtout du temps qu’il fait, de l’état de la mer. Tout le monde se
rend bien compte que les conditions ont changé. Sans être pour autant le
magazine de l’extrême, ce n’est plus la croisière s’amuse. Dans un
premier temps il va falloir déplacer l’ancre du zodiac pour la repositionner
exactement à l’endroit où les épaves devraient en principe se trouver. Si
le temps avait été plus calme, l’opération aurait été faite juste avant
de plonger ce qui économisait un voyage en zodiac. Mais Alex a préféré
d’abord aller s’occuper de l’ancre avec Patrick sans être encombré par
le matériel de plongée et ne pas solliciter inutilement les plongeurs. La
position mémorisée dans le GPS portable, ils s’éloignent avec le
pneumatique en faisant des bonds dans les vagues. On entend un youhou de Patrick
qui trouve ça amusant. Le petit pare-battage blanc avec ses bandes rouges est
toujours là et Patrick commence à relever l’ancre. Arrivé à la verticale,
il sent la résistance due à l’arrachage et la remonte encore de quelques
mètres. Alex va ensuite piloter le zodiac jusqu’à la position grâce au GPS
heureusement étanche. Le poids de Patrick, plus l’ancre à l’extrême
avant, le fait se planter dans les vagues et embarquer beaucoup d’eau. Alex
doit rester bien à l’arrière pour ne pas que l’hélice du moteur sorte de
l’eau. En fait il aurait fallu une personne de plus pour contrebalancer le
poids de Patrick qui arrive cependant à tenir le mouillage d’une main en
écopant de l’autre. Une fois parvenu à la position précise, Alex avance
encore au vent d’une dizaine de mètres et demande à Patrick de redescendre
l’ancre. Il la laisse filer, puis juste avant d’arriver à la bouée, la
retient un peu pour qu’elle se plante en traînant un peu au fond. C’est
fait. Après avoir écopé, ils rentrent au bateau et amarrent le zodiac à
couple.
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