Le bateau rentre au mouillage par petite brise
avec seulement deux blocs à gonfler. Puis un moment de détente s’installe,
une collation avec des boissons est servie par Béa, musique et rigolade. Nina
surveille quand même du coin de l’œil à partir de la descente. Alex va
s’installer à la table à cartes. Il manipule son logiciel de navigation qui
dispose d’une infinité de fonctions liées à la cartographie. Il va créer
un canevas de carte géoréférencé. Il s’agit de la carte blanche d’une
zone sur laquelle ne figure aucun détail mais dont la position de chaque point
est parfaitement définie. Toutes les données nécessaires à son utilisation
pourront ensuite y être importées. Ce document à très haute définition
couvrira une zone de cinq cents mètres autour du point central des épaves. Une
fois générée, la carte est affichée. Les points correspondant aux
différentes positions comme la position réelle des épaves, l’ancienne
position supposée de la caisse, la position de départ enregistrée sur la DFP3
et tous les repères qu’Alex a enregistrés se retrouvent placés
précisément. En regardant la vidéo que Béa a faite, il va maintenant
patiemment dresser une cartographie précise des deux épaves. Ce travail lui
prendra deux bonnes heures. Il se base sur le compas de Béa chaque fois
qu’elle l’a montré à la caméra mais n’ayant pas de notion ni de la
vitesse à laquelle elle nageait ni donc de la distance parcourue, chaque point
est le résultat du croisement d’au moins deux relèvements. Seul un
spécialiste en cartographie électronique peut arriver à cela, ce qui promet
quelques conversations passionnées avec Raymond car ils ont de toute évidence
le cerveau construit sur les mêmes bases qui ne sont pas celles de ce que
l’on appelle les gens normaux. Alex montre la carte des épaves qu’il vient
de créer à Béa et Patrick qui sont d’accord sur un point : on s’y
croirait. Et pour parfaire son effet, il affiche sur la carte la route parcourue
par Béa.
— Tu m’as suivie ? lui demande Béa sidérée.
— À
partir de là, dit Alex qui est toujours dans son raisonnement, en embêtant
encore un peu Murielle, on va essayer de reconstituer ou au moins d’approcher
la façon dont les épaves ont coulé et par conséquent la façon dont la
caisse est tombée et donc où elle se trouve.
— Rien que ça ?
—
Affirmatif.
Murielle commence à se dire qu’elle va encore passer un
mauvais quart d’heure.
— Bon, quand tu as vu ce bateau gris imitant un
bateau militaire, il faisait quel cap ? Montre-moi directement sur la
carte.
— Ho ! C’est simple je pense qu’il faisait du plein
est.
Alex trace donc une ligne orientée au quatre-vingt-dix degrés qu’il
peut déplacer à sa guise.
— Au début tu n’as d’abord vu que le
Bertram ?
— Oui, l’autre était derrière.
— Donc ils étaient à
couple en fait.
— Presque, mais ils se sont décalés en tournant un peu.
En fait ils ont pivoté vers la droite, au moins le Bertram, de peut-être
trente à quarante-cinq degrés ce qui a fait apparaître pour moi l’arrière
du deuxième bateau et les types qui étaient en train de balancer la caisse de
l’autre côté.
— À ton avis est-ce que le Bertram ou les deux
avançaient à ce moment-là ?
— C’est difficile à dire, il m’aurait
fallu la GoPro de Patrick, mais je n’ai pas le souvenir d’une scène fixe.
Il y avait du mouvement mais dans quel sens ? Attend, je réfléchis à quelque
chose.
Silence dans le carré, on entendrait une mouche voler de l’autre
côté de l’île. Enfin au moins Nina.
— Peut-être, mais je ne suis
sûre de rien, il se pourrait que le Bertram, après avoir rattraper le bateau
de pêche par bâbord, manœuvrait pour se coller à lui comme pour lui couper
la route.
— Donc les bateaux avançaient. Maintenant à combien estimes-tu
le temps entre le moment où tu as vu la caisse descendre dans la mer et le
moment où le bateau de pêche a explosé ?
Murielle ferme les yeux. On
l’imagine en train de se repasser la
scène.
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