Chapitre
6
Alex refait le tour de l’Ombre
Blanche de près. L’équipage observe attentivement ce beau voilier blessé,
vision d’un bateau fantôme sans personne à bord qui roule dans la houle avec
ses lambeaux de voile claquant au vent.
— Pour résumer, dit-il, on a un
grave problème. Pour le bateau, ça va. On devrait pouvoir le remettre en
route. Par contre, s’il n’y a personne à bord et que la survie n’est plus
là, on peut supposer qu’il a été évacué. C’est aberrant, mais je ne
vois pas d’autre explication pour l’instant. On a pu observer aussi que la
coupée1 est ouverte, mais que l’échelle n’est plus là. Si quelqu’un a
quitté le bateau par là, elle a pu être arrachée plus tard par la mer en
raison du roulis. Cela veut dire qu’il y a probablement trois personnes
actuellement à la dérive dans un radeau pneumatique depuis quatre jours, ce
qui est proche de la durée maximale pendant laquelle on peut survivre dans ce
genre d’embarcation. Les réserves d’eau peuvent être épuisées et nous
sommes sous les tropiques, le temps est actuellement sec, il n’est
probablement pas tombé une goutte de pluie depuis qu’ils sont
là-dedans.
— Il y a des gens qui ont survécu longtemps dans un bib, dit
Béa.
— Oui, mais c’étaient des gens expérimentés. Or, pour
abandonner un bateau qui flotte et se mettre là-dedans, il ne faut pas
l’être.
— À moins d’y avoir été forcé, dit Nina.
— C’est
pas con. Mais par qui et pourquoi ?
— Donc, il faut aller voir, reprend
Alex. Et vu l’état de la mer, ça ne va sûrement pas être facile
d’embarquer. Je propose de procéder de la façon suivante :
— Nina va
transférer Pascale et Hervé sur l’Ombre Blanche avec l’annexe. On les
assiste pour remettre le bateau en route. Tout dépend ensuite de son état et
de la route qu’il peut faire. En fonction de ce qu’on trouve, on étudiera
la façon dont nous pouvons nous lancer à la recherche des naufragés. Prenez
une VHF2 portable pour le cas où celle du bateau soit HS.
— On va donc
mettre l’annexe à l’eau, en remorque, au ras de l’échelle de bain. Nina,
tu embarques en premier, puis Pascale et Hervé ensuite. Vous porterez tous les
trois des brassières. Pendant que vous embarquez dans l’annexe, vous devez
rester attachés au bateau avec les harnais. Ça bouge beaucoup et vous allez
faire des bonds. Il faut être prudent. Ça va être sportif. Tu démarres
ensuite le moteur, et on vous éloigne. Tu règles ta vitesse pour nous suivre,
mais ce n’est pas nous qui te tirons. Tu dois pouvoir manœuvrer
indépendamment de nous. Dom contrôle la longueur de la remorque. Je vais
passer ensuite sous le vent du bateau, le plus près possible à faible vitesse,
tout en gardant une distance de sécurité. Dès que tu es à son niveau, moteur
à fond, tu te plaques à sa coque. Attention, il roule beaucoup, ce qui veut
dire que le plat-bord3 va monter et descendre et tu vas frotter contre la coque.
Vise le milieu de la longueur. Pas l’arrière, tu risquerais d’être
heurtée par la voûte. Pas à l’avant, car c’est plus haut. Le mieux serait
au niveau du cockpit. Il faudra que Pascale et Hervé sautent sur le pont chacun
à leur tour pour ne pas se gêner en s’accrochant aux chandeliers4 au moment
où le pont est au plus bas. Dans le cas où quelqu’un tombe à l’eau,
s’il est très proche et que tu peux l’atteindre sans risque, tu l’aides
à remonter sur l’annexe. On va prévoir une corde avec une bouée à lancer.
Si tu ne peux pas l’atteindre, tu reviens au bateau le plus vite possible. De
toute façon, tu ne seras jamais loin, et c’est avec le Sirius que nous
récupérerons la personne. L’annexe ne doit sous aucun prétexte être
détachée. On ne peut pas se permettre d’avoir une personne à l’eau d’un
côté, l’annexe en balade de l’autre, et le bateau qui court après les
deux.
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