— Nina, remonte à bord, dit Alex, on va
affaler la grand-voile et poser la bôme sur le pont à tribord pour libérer le
cockpit.
Alex redescend dans le bateau, va chercher deux harnais dans le
poste avant. Nina les passe à Béa. Il va falloir qu’elle équipe les deux
personnes pour les hisser. Puis ils affalent la grand-voile, la ferlent sur la
bôme qu’ils posent sur le pont à l’aide de la balancine4. Le bateau bouge
beaucoup car il n’est plus appuyé par aucune voile. Ils travaillent
méthodiquement, prudemment, sans précipitation, comme ils sont habitués à le
faire depuis tant d’années de navigation ensemble sur ce bateau. Ils ont deux
fois plus de raisons d’être prudents, pour eux et pour ces deux malheureux en
situation précaire.
Béa a bataillé dans l’eau pour équiper la jeune
femme de son harnais. Elle la déplace doucement pour la positionner
correctement. Alex et Nina ont rallongé la balancine de la bôme, et elle
l’amarre au harnais. Alex commence à la hisser lentement. Nina guide la
balancine et Béa, la victime. À cet instant, Alex se dit que Patrick lui
manque vraiment. Arque-bouté sur sa manivelle de winch, il mouline
péniblement. La pauvre fille monte lentement, complètement inerte, elle ne
réagit pas. Dès que possible, Béa remonte à bord. À deux elles la guident
à la verticale du cockpit puis Alex la descend lentement pour l’installer sur
un banc. Elle est détachée, puis à trois, ils la descendent non sans peine
dans le bateau où elle est installée sur une banquette du carré, qui se
transforme en couchette, calée par la toile anti-roulis en position latérale
de sécurité. Il faut ensuite recommencer avec le garçon. Il est conscient,
mais très faible et plus lourd. Il est installé sur une autre banquette du
carré et Béa, assistée de Nina, peut commencer à s’occuper d’eux. Elle
leur rince la peau et essaie de les réhydrater. Elle arrive à faire absorber
un peu d’eau sucrée au garçon, qui a même ouvert les yeux pendant quelques
secondes.
Alex s’occupe de remettre le bateau en route. Il largue ce
radeau qui ne peut plus servir à rien. En principe, il devrait s’arranger
pour le faire couler car les engins de sauvetage sont tous identifiés et la
découverte éventuelle de ce type d’objet flottant en mer risque toujours de
déclencher de fausses alertes. Tant pis, il a autre chose de plus urgent à
faire. Il remonte les échelles, ressort l’annexe dans ses bossoirs et
l’amarre. Il lui faut maintenant remettre la bôme en place, envoyer la
grand-voile, ce qui va déjà stabiliser le bateau, puis la trinquette et le
génois. Il remet le bateau en route bâbord amure, vers la Martinique,
malheureusement pas en route directe, car la direction du vent ne leur permet
pas de faire cap directement sur l’île. Le vent reste modéré, mais au
près, le bateau est inconfortable, il gîte beaucoup. Alex est
épuisé.
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