Alex prend la parole.
— Patrick nous a
tenu régulièrement informés de son enquête et, au passage, je t’en
félicite, c’est du grand art. Jamais je n’essaierais de te cacher quelque
chose, ce serait peine perdue. Au fur et à mesure que ton enquête avançait,
je me sentais glisser vers une hypothèse de ce genre. Maintenant, c’est une
certitude : la cargaison de Roberto Buarque se trouve encore sur l’Ombre
Blanche.
— Mais les flics ont fouillé le bateau, rétorque Pascale, de
nouveau très inquiète.
— Oui, mais comment ? Est-ce qu’ils ont
démonté des vaigrages, regardé derrière les appareils ? Lorsque tu l’as
récupéré, c’était un désordre indescriptible, tout était ouvert et
vidé, mais heureusement pour toi, rien n’a été démonté. Il ne me semble
pas que les flics qui ont fouillé soient des virtuoses du tournevis. Or, dans
un bateau comme le tien il y a un nombre incalculable de planques et ils ne
savaient pas ce qu’ils cherchaient, puisque ils sont même partis sur
l’idée d’un vol de bateau pour une livraison de drogue. Rien à voir. Ils
ne pensaient donc même pas qu’il y ait quelque chose de caché à bord.
C’est Patrick qui a découvert que Roberto Buarque transportait une sacoche
marron clair. Les flics n’ont jamais cherché de sacoche. S’ils ont fouillé
partout, c’était plutôt, je crois, à la recherche d’indices sur une
personne disparue, pas d’un sac caché.
— Donc, continue Patrick, il y a
dans ton bateau une chose que je ne pense pas être de la drogue en raison du
faible volume. Ensuite, bien que cette affaire soit probablement liée à
l’orpaillage, je ne pense pas non plus qu’il s’agisse d’or, en raison du
poids que cela aurait représenté. Ça pourrait être des bijoux, mais ça
n’est pas la spécialité de Pedro Medeiros, le parrain propriétaire de
l’avion. J’en conclus donc qu'il s’agit d’une somme importante
d’argent liquide issue d’une vente d’or.
— Et si c’est le cas,
reprend Alex, on en déduit automatiquement l’endroit où voulait aller
Roberto Buarque, qui correspond parfaitement avec la route qu’il suivait. Sa
destination devait être les îles Caïmans, qui, selon le « Réseau pour la
justice fiscale », figurent en deuxième place seulement parmi les dix plus
gros paradis fiscaux au monde. Pour aller planquer du fric dans les banques de
cet archipel depuis la Martinique sans faire d’escale, rien n’est plus
simple. On fait d’abord route vers l’ouest-nord-ouest, puis on longe les
grandes Antilles à une distance respectable, cap à l’ouest, et après la
Jamaïque, on tourne à droite à nouveau, cap au nord-ouest, pour aller jeter
l’ancre dans la baie de George Town et appeler son contact. Une promenade
tranquille, vent dans le dos, de mille deux cents milles. Pour revenir, c’est
un peu plus compliqué en raison des vents contraires, mais il est peu probable
que Roberto Buarque ait eu l’intention de revenir en Martinique à la voile.
Il semblerait bien, Pascale, que ton bateau ait pris de la valeur ces
temps-ci.
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