Alex a une drôle d’impression...
— Ah
bon, je pensais que vous étiez encore partis sans nous dire au revoir.
—
Tu es fou ou quoi ? Est-ce que j’ai déjà fait ça, moi ?
— Non,
jamais, tu penses. Il y a quelqu’un qui vient vous prendre ou tu as un
véhicule ?
— Tu peux venir ?
— Non, pas tout de suite. On vient
juste de lever l’ancre de l’anse Chaudière et on en a encore pour un bon
moment à se faire secouer avant d’arriver au Marin. Je t’envoie Patrick.
Alex appelle Patrick.
— Tu peux aller chercher Pascale et Hervé à
l’aéroport ?
— Oui, mais je ne comprends pas. Ils ne sont pas déjà
partis en croisière ?
— Je ne comprends pas non plus. Je savais qu’ils
devaient faire un saut rapide en Métropole pour donner un coup de main aux
parents d’Hervé, qui font quelques travaux dans leur maison, avant de partir
dans les Grenadines avec leur bateau, mais je les croyais déjà là-bas.
— Ça expliquerait pourquoi ils ne nous ont pas dit au revoir. Tu as vu
leur bateau dernièrement ?
— En tout cas, il n’est pas à son
mouillage2 habituel. Qu’est-ce qu’ils foutent ? Ils pourraient nous tenir
au courant.
— Tu sais bien comment ils sont.
Pascale et Hervé ont
la fâcheuse habitude de s’embarquer dans d’étranges aventures sans
prévenir ni leurs familles ni leurs amis. Ils prétendent que c’est pour
n’inquiéter personne. Leurs connaissances sont donc maintenant habituées à
les voir disparaître sans laisser de nouvelles pendant de longues périodes,
par exemple pour une ascension du Mont Blanc, un bivouac dans le Machu Picchu,
ou un séjour sur la banquise. Le monde est plus petit pour un pilote d’avion
que pour un terrien. Lorsque celui-ci trouvera l’aventure à deux cents
kilomètres de chez lui, il en faudra deux milles à Hervé. À chacun son
Himalaya. D’ailleurs, cela semble les amuser particulièrement. Hervé a une
fois téléphoné à Alex pour lui demander l’heure. À moitié endormi, sans
réagir à l’absurdité de la question, Alex lui a répondu :
— Mais tu
ne sais pas qu’il est une heure du matin ?
— Ah bon, merci. OK, salut,
on m’appelle pour l’apéro.
— Comment ça l’apéro ? Où
es-tu ?
— En Thaïlande. Je te raconterai. Bonne nuit.
— Très
drôle. Salut.
Il est vrai qu'Alex ne les avait pas vus depuis deux jours
et que depuis, ils avaient eu le temps de faire du chemin.
— OK, je vais
les chercher. Dis-leur que j’arrive.
Alex rappelle Hervé.
—
Patrick arrive, mais on pensait tous que vous étiez partis en bateau depuis un
moment déjà.
— Mais non, pourquoi ? On a dû retarder notre retour. Tu
sais, avec la famille, on ne fait pas toujours ce qu’on veut.
— OK,
attends Patrick. Il arrive, mais à cette heure-ci il en a pour un moment.
À son arrivée, les deux premières choses que remarque quelqu’un qui ne
connaît pas la Martinique sont les cocotiers et les bouchons. Il faut vivre
avec les deux.
Patrick rappelle Alex en rejoignant sa voiture.
— Tu
n’as pas une drôle de sensation ?
— Et bien si, justement. Tu crois
qu’ils auraient demandé à quelqu’un de déplacer leur bateau ?
—
Je ne crois pas, il t’aurait demandé à toi ou à Dom. Va savoir. Qu’est-ce
que c’est que cette histoire ? Qu’est-ce qu’ils ont encore inventé ?
Bon, je les ramène. On verra bien.
— À tout à l’heure, on devrait
arriver au Marin à peu près en même temps.
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