Chapitre
15
L’équipage du Sirius va
pouvoir faire connaissance avec son hôte arrivé par le ciel. Il s’agit du
médecin colonel Henri Vidol, affecté aux secours en mer. Une armoire à glace
tout de kaki vêtue, qui a quitté sa brassière orange, le crâne rasé, des
grosses joues rouges, un accent du midi très marqué qui le dispense
assurément de dire d'où il vient, accessoirement voltigeur acrobate et qui
surtout a l'air de savoir où il va sans s'encombrer de doutes inutiles. Nina et
Béa ne savent pas quoi faire pour lui être agréables. Elles s'excusent de ne
pas lui proposer de café et il comprend bien que faire bouillir de l'eau dans
les conditions actuelles serait trop dangereux. Elles lui offrent des jus de
fruits. Il adore le pain d'épice et ça tombe bien, il y en a à bord. Alex est
content d’apprendre que militaire ne rime pas qu’avec guerre. Ils sont
impatients de savoir si l’état des naufragés est grave. En ce qui concerne
Meldreg, ça devrait aller. Il est très faible, mais aucune de ses fonctions
vitales n’est atteinte. Il va falloir lui redonner des forces, mais au bout de
quelques jours, il devrait pouvoir se lever. En ce qui concerne Karine, elle est
encore dans le coma. Son cœur est faible et il va falloir le remonter, mais
surtout, ses reins sont arrêtés. C’est la conséquence d’une
déshydratation extrême. La perfusion va permettre de la réhydrater
progressivement et la transfusion sanguine de pallier provisoirement au défaut
de fonctionnement de ses reins. Elle est jeune et, normalement, leur
fonctionnement devrait reprendre lorsque la cause de son état aura disparu,
mais il ne faut bien sûr pas que cela dure trop longtemps.
— Comment se
fait-il qu'elle se soit déshydratée plus que Meldreg ? demande Nina.
—
D'abord, Meldreg n'était pas loin d'être dans le même état qu'elle. Ensuite,
je pense que Karine a bu de l'eau de mer.
— Et c’est si grave ?
— Bien sûr.
— Pourtant, Alain Bombard a démontré que l'on
pouvait survivre en buvant de l'eau de mer.
— Ce n’est pas si simple.
Premièrement, Alain Bombard était médecin. Il savait très bien ce qu’il
faisait et pouvait gérer ça mieux qu’une personne sans grande connaissance
du sujet. Ensuite, s'il a démontré que l'on pouvait en dernier recours boire
un tout petit peu d'eau de mer, c'était à la condition de retrouver de l'eau
douce dans les vingt-quatre heures. Sinon, malheureusement, l'eau de mer
absorbée fait plus de dégâts que l'impression de réhydratation que l'on peut
ressentir sur le coup. Même si le docteur Bombard a survécu en buvant de
l’eau de mer, les consignes de survie officielles restent de ne jamais en
boire. En survie, dans le cas où les réserves d'eau douce sont épuisées et
en l'absence de pluie pour les reconstituer, la seule solution est la pêche. En
pressant la chair d'un poisson, on recueille un petit peu d'eau et elle n'est
pas salée.
Puis, se tournant vers Béa, il lui dit :
— Toutes mes
félicitations. Vous vous êtes très bien débrouillée. Sans vous, elle ne
serait plus en vie.
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